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Ninon.

L’eau, la terre et les vents, tout s’emplit d’harmonies.
Un jeune rossignol chante au fond de mon cœur.
J’entends sous les roseaux murmurer des génies…
Ai-je de nouveaux sens inconnus à ma sœur ?

Ninette.

Pourquoi ne puis-je voir sans plaisir et sans peine
Les baisers du zéphyr trembler sur la fontaine,
Et l’ombre des tilleuls passer sur mes bras nus ?
Ma sœur est une enfant, — et je ne le suis plus.

Ninon.

Ô fleurs des nuits d’été, magnifique nature !
Ô plantes ! ô rameaux, l’un dans l’autre enlacés !

Ninette.

Ô feuilles des palmiers, reines de la verdure,
Qui versez vos amours dans les vents embrasés !

Silvio, entrant.

Mon cœur hésite encor ; — toutes les deux si belles !
Si conformes en tout, si saintement jumelles !
Deux corps si transparents attachés par le cœur !
On dirait que l’aînée est l’étui de sa sœur.
Pâles toutes les deux, toutes les deux craintives,
Frêles comme un roseau, blondes comme les blés ;
Prêtes à tressaillir, comme deux sensitives,
Au toucher de la main. — Tous mes sens sont troublés.
Je n’ai pu leur parler, — j’agissais dans la fièvre ;
Mon âme à chaque mot arrivait sur ma lèvre.
Mais elles, quel bon goût ! quelle simplicité !
Hélas ! je sors d’hier de l’université.

(Entrent Laërte, et Irus un cigare à la bouche.)

Laërte.

Eh bien ! notre convive, où ces dames sont-elles ?