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DÉIDAMIA.

Eh bien ! oui, ta maîtresse, — eh bien ! oui, ton amante,
Ta Mamette, ton bien, ta femme et ta servante.
Et la mort peut venir, et je t’aime, et je veux
T’avoir là dans mes bras et dans mes longs cheveux,
Sur ma robe de lin ton haleine embaumée.
Je sais que je suis belle, et plusieurs m’ont aimée ;
Mais je t’appartenais, j’ai gardé ton trésor.

Elle tombe dans ses bras.

FRANK, se levant brusquement.

Quelqu’un est là, c’est vrai.

DÉIDAMIA.

Quelqu’un est là, c’est vrai.Qu’importe ? Charle, Charle !

FRANK.

Ah ! massacre et tison d’enfer ! — C’est Belcolor !
Restez ici, Mamette, il faut que je lui parle.

Il saute par la fenêtre.

DÉIDAMIA.

Mon Dieu ! que va-t-il faire, et qu’est-il arrivé ?
Le voilà qui revient. — Eh bien ! l’as-tu trouvé ?

FRANK, à la fenêtre, en dehors.

Non, mais, par le tonnerre, il faudra qu’il y vienne.
Je crois que c’est un spectre, et vous aviez raison.
Attendez-moi. — Je fais le tour de la maison.

DÉIDAMIA, courant à la fenêtre.

Charle, ne t’en va pas ! S’il s’enfuit dans la plaine,
Laisse-le s’envoler, ce spectre de malheur.

Belcolore paraît de l’autre côté de la fenêtre et s’enfuit aussitôt.

Au secours ! au secours ! on m’a frappée au cœur.

Déidamia tombe et sort en se traînant.

LES MONTAGNARDS, accourant au dehors.

Frank ! que se passe-t-il ? On nous appelle, on crie.
Qui donc est là par terre étendu dans son sang ?