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Scène III

Un chemin creux dans la forêt. — Le point du jour.
FRANK, assis sur l’herbe.

Et quand tout sera dit, — quand la triste demeure
De ce malheureux Frank, de ce vil mendiant,
Sera tombée en poudre et dispersée au vent,
Lui, que deviendra-t-il ? — Il sera temps qu’il meure !
Et s’il est jeune encor, s’il ne veut pas mourir ?
Ah ! massacre et malheur ! que vais-je devenir ?

Il s’endort.

UNE VOIX, dans un songe.


Il est deux routes dans la vie :
L’une solitaire et fleurie,
Qui descend sa pente chérie
Sans se plaindre et sans soupirer.
Le passant la remarque à peine,
Comme le ruisseau de la plaine,
Que le sable de la fontaine
Ne fait pas même murmurer.
L’autre, comme un torrent sans digue,
Dans une éternelle fatigue,
Sous les pieds de l’enfant prodigue
Roule la pierre d’Ixion.
L’une est bornée et l’autre immense ;
L’une meurt où l’autre commence ;
La première est la patience,
La seconde est l’ambition.


FRANK, rêvant.

Esprits ! si vous venez m’annoncer ma ruine,