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C’était mon patrimoine, et c’est assez longtemps
Pour aimer son fumier, que d’y dormir vingt ans.
Je le brûle, et je pars ; — c’est moi, c’est mon fantôme
Que je disperse aux vents avec ce toit de chaume.
— Maintenant, vents du nord, vous n’avez qu’à souffler ;
Depuis assez longtemps, dans les nuits de tempête,
Vous venez ébranler ma porte et m’appeler.
Frères, je viens à vous, — je vous livre ma tête.
Je pars, — et désormais que Dieu montre à mes pas
Leur route, — ou le hasard, si Dieu n’existe pas !

Il sort en courant.



Scène II

Une plaine. — Frank rencontre une jeune fille.
LA JEUNE FILLE

Bonsoir, Frank, où vas-tu ? la plaine est solitaire.
Qu’as-tu fait de tes chiens, imprudent montagnard ?

FRANK

Bonsoir, Déidamia, qu’as-tu fait de ta mère ?
Prudente jeune fille, où t’en vas-tu si tard ?

LA JEUNE FILLE

J’ai cueilli sur ma route un bouquet d’églantine ;
Mais la neige et les vents l’ont fané sur mon cœur.
Le voilà, si tu veux, pour te porter bonheur.

Elle lui jette son bouquet.

FRANK, seul, ramassant le bouquet.

Comme elle court gaiement ! Sa mère est ma voisine ;
J’ai vu cette enfant-là grandir et se former.
Pauvre, innocente fille ! elle aurait pu m’aimer.

Exit