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Et les pleurs et les chants sont les voix éternelles
De ces filles de Dieu qui s’appellent entre elles.

FRANK

Chantez donc, et pleurez, si c’est votre souci.
Ma malédiction n’est pas bien redoutable ;
Telle qu’elle est pourtant je vous la donne ici.
Nous allons boire un toast, en nous mettant à table,
Et je vais le porter :

Prenant un verre.

Et je vais le porter :Malheur aux nouveau-nés !
Maudit soit le travail ! maudite l’espérance !
Malheur au coin de terre où germe la semence,
Où tombe la sueur de deux bras décharnés !
Maudits soient les liens du sang et de la vie !
Maudite la famille et la société !
Malheur à la maison, malheur à la cité,
Et malédiction sur la mère patrie !

UN AUTRE CHŒUR, sortant d’une maison.

Qui parle ainsi ? qui vient jeter sur notre toit,
À cette heure de nuit, ces clameurs monstrueuses,
Et nous sonner ainsi les trompettes hideuses[1]
Des malédictions ? — Frank, réponds, est-ce toi ?
Ce n’est pas d’aujourd’hui que je connais ta vie.
Tu n’es qu’un paresseux plein d’orgueil et d’envie.
Mais de quel droit viens-tu troubler des gens de bien ?
Tu hais notre métier, Judas ! et nous, le tien.
Que ne vas-tu courir et tenter la fortune,
Si le toit de ton père est trop bas pour ton front ?
Ton orgueil est scellé comme un cercueil de plomb.
Tu crois punir le ciel en lui gardant rancune ;
Et tout ce que tu peux, c’est de roidir tes bras

  1. That such a hideous trumpet calls to parley, etc.
    Macbeth, acte II.