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VIII


Tout est fini ; la cendre est rendue à la terre.
Le ministre est parti — peut-être l’attend-on.
Tu t’es évanouie ! ô toi, fleur solitaire !
Il ne reste plus rien, — rien qu’un tombeau sans nom.

Personne n’a suivi sa dépouille mortelle.
Aucun pas n’est marqué sur le bord du chemin.
Son vieux père est trop faible, et d’ailleurs, privé d’elle,
Plus loin encor peut-être il la suivra demain.

Descends donc, pauvre fille, en ta tombe ignorée,
Sous ta pierre mal jointe et d’herbes entourée !
Cette terre est fertile, et va bientôt fleurir
Sur le débris nouveau qu’elle vient de couvrir…
Ô terre ! toi qui sais sous la tombe muette
Garder si bien les morts que l’Océan rejette,
Quand ton sein, fécondé par la corruption,
Redemande la vie à la destruction,
Qu’es-tu donc qu’un sépulcre immense, et dont l’emblème
Est le serpent roulé qui se ronge lui-même ?

— Mais vous, rêves d’amour, rires, propos d’enfant
Et toi, charme inconnu dont rien ne se défend,
Qui fis hésiter Faust au seuil de Marguerite,
Doux mystère du toit que l’innocence habite,
Candeur des premiers jours, qu’êtes-vous ? —

Paix profonde à ton âme, enfant ! à ta mémoire !