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Être sublime ! esprit de vie et de lumière,
Qui, reposant ta force au centre de la terre,
Sous ta céleste chaîne y restes prisonnier ;
Toi, dont le bras puissant, dans l’éternelle plaine,
Parmi les astres d’or la soulève et l’entraîne
Sur la route invisible, où d’un regard de Dieu
Tomba dans l’infini l’hyperbole de feu !
Tu peux faire accourir ou chasser la tempête
Sur ce globe d’argile à l’espace jeté,
D’où vers son Créateur l’homme, élevant sa tête,
Passe et tombe en rêvant une immortalité ;
Mais comme toi son sein renferme une étincelle
De ce foyer, de vie et de force éternelle,
Vers lequel en tremblant le monde étend les bras,
Prêt à s’anéantir, s’il ne l’animait pas !
Son essence à la tienne est égale et semblable.
Lorsque Dieu l’en tira pour lui donner le jour,
Il te fit immortel, et le fit périssable…
Il te fit solitaire, et lui donna l’amour,
Amour ! torrent divin de la source infinie !
Ô dieu d’oubli, dieu jeune, au front pâle et charmant !
Toi que tous ces bonheurs, tous ces biens qu’on envie
Font quelquefois de loin sourire tristement,
Qu’importent cette mer, son calme et ses tempêtes,
Et ces mondes sans nom qui roulent sur nos têtes,
Et le temps et la vie, au cœur qui t’a connu ?
Fils de la Volupté, père des Rêveries,
Tes filles sur ton front versent leurs fleurs chéries,
Ta mère en soupirant t’endort sur son sein nu !

À cette heure d’espoir, de mystère et de crainte
Où l’oiseau des sillons annonce le matin,
Tiburce de la ville avait gagné l’enceinte,