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Ah ! blessures du cœur, votre trace est amère,
Promptes à vous ouvrir, lentes à vous fermer !

Ici c’est Géricault et sa palette ardente ;
Mais qui peut oublier cette fausse Judith,
Et, dans la blanche main d’une perfide amante
La tête qu’en mourant Allori suspendit ?

Et plus loin — la clarté d’une lampe sans vie
Agite sur les murs, dans l’ombre appesantie,
Un marbre mutilé. — Père d’un temps nouveau,
Ta mémoire, ô héros ! ne sera point troublée.
Ton image se cache, et doit rester voilée
Sur la terre où l’on boit encore à Waterloo…

Les arts, ces dieux amis, fils de la solitude,
Sont rois sous cette voûte ; auprès d’eux l’humble étude
Vient d’un baiser de paix rassurer la douleur ;
Et toi surtout, et toi, triste et fidèle amie,
À qui l’infortuné, dans ses nuits d’insomnie,
Dit tout bas ces secrets qui dévorent le cœur,
Toi, déesse des chants, à qui, dans son supplice,
La douleur tend les bras, criant : — Consolatrice !
Consolatrice !

Consolatrice !À l’âge où la chaleur du sang
Fait éclore un désir à chaque battement,
Où l’homme, apercevant, des portes de la vie,
La Mort à l’horizon, s’avance et la défie ; —
Parmi les passions qui viennent tour à tour
S’asseoir au fond du cœur sur un trône invisible,
La haine — l’intérêt — l’ambition — l’amour,
Tiburce n’en connaît qu’une — la plus terrible.