Page:Musset - Premières Poésies Charpentier 1863.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ô jeunesse du siècle ! intrépide jeunesse !
Quitteras-tu pour moi le Globe ou les Débats ?
Lisez un paresseux, enfants de la paresse…
Muse, reprends ta lyre, et rouvre-moi tes bras.

France, ô mon beau pays ! j’ai de plus d’un outrage
Offensé ton céleste, harmonieux langage,
Idiome de l’amour, si doux qu’à le parler
Tes femmes sur la lèvre en gardent un sourire ;
Le miel le plus doré qui sur la triste lyre
De la bouche et du cœur ait pu jamais couler !
Mère de mes aïeux, ma nourrice et ma mère,
Me pardonneras-tu ? Serai-je digne encor
De faire sous mes doigts vibrer la harpe d’or ?
Ce ne sont plus les fils d’une terre étrangère
Que je veux célébrer, ô ma belle cité !
Je ne sortirai pas de ce bord enchanté
Où près de ton palais, sur ton fleuve penchée,
Fille de l’Occident, un soir tu t’es couchée…

Lecteur, puisqu’il faut bien qu’à ce mot redouté
Tôt ou tard, à présent, tout honnête homme en vienne,
C’est, après le dîner, une faiblesse humaine
Que de dormir une heure en attendant le thé.
Vous le savez, hélas ! alors que les gazettes
Ressemblent aux greniers dans les temps de disettes,
Ou lorsque, par malheur, on a, sans y penser,
Ouvert quelque pamphlet fatal à l’insomnie,
Quelques Mémoires sur *** — Essai de poésie…
— Ô livres précieux ! serait-ce vous blesser
Que de poser son front sur vos célestes pages,
Tandis que du calice embaumé de l’opium,
Comme une goutte d’eau qu’apportent les orages,