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Que, par une cause inconnue,
Ils avaient expiré tous deux.
Plût au ciel ! Telle mort pour eux
Eût été douce et bien venue.
Mais Simone rouvrit les yeux :
« Malheureuse ! dit le boiteux,
Voyant son compagnon sans vie,
C’est toi qui l’as assassiné. »
À ce mot, le peuple étonné
S’approche en foule ; on se récrie ;
Un médecin est amené.
Il voit un mort, il s’en empare,
Observe, consulte et déclare
Que Pascal est empoisonné.
À tous ces discours, Simonette,
Ne comprenant que son chagrin,
Restait, la tête dans sa main,
Plus immobile et plus muette
Qu’une pierre sur un tombeau.
Qui devait parler ? C’est Lagine.
Venant d’une âme féminine,
Un tel courage eût été beau.
Ce qu’elle fit, on le devine ;
Elle se tut, faute de cœur,
Et, voyant tomber l’infamie
Sur sa compagne et son amie,
Au lieu d’avoir de son malheur
Compassion, elle en eut peur.
Moyennant quoi l’infortunée,
Seule et sans aide contre tous,
Devant le juge fut traînée,
Et là tomba sur ses genoux,
De ses larmes toute baignée,