Page:Musset - On ne badine pas avec l'amour, 1884.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.

passer sur tes lèvres sans leur ôter ce sourire céleste que je respecte plus que ma vie.

(Il l’embrasse.)
Rosette

Vous respectez mon sourire, mais vous ne respectez guère mes lèvres, à ce qu’il me semble. Regardez donc ; voilà une goutte de pluie qui me tombe sur la main, et cependant le ciel est pur.

Perdican

Pardonne-moi.

Rosette

Que vous ai-je fait, pour que vous pleuriez ?

(Ils sortent.)



Scène IV.

(Au château.)
Entrent Maître Blazius et Le Baron.
Maître Blazius

Seigneur, j’ai une chose singulière à vous dire. Tout à l’heure, j’étais par hasard dans l’office, je veux dire dans la galerie : qu’aurais-je été faire dans l’office ? J’étais donc dans la galerie. J’avais trouvé par accident une bouteille, je veux dire une carafe d’eau : comment aurais-je trouvé une bouteille dans la galerie ? J’étais donc en train de boire un coup de vin, je veux dire un verre d’eau, pour passer le temps, et je regardais par la fenêtre, entre deux vases de fleurs qui me paraissaient d’un goût moderne, bien qu’ils soient imités de l’étrusque.

Le Baron

Quelle insupportable manière de parler vous avez adoptée, Blazius ! Vos discours sont inexplicables.

Maître Blazius

Écoutez-moi, seigneur, prêtez-moi un moment d’attention. Je regardais donc par la fenêtre. Ne vous impatientez pas, au nom du ciel ! Il y va de l’honneur de la famille.

Le Baron

De la famille ! Voilà qui est incompréhensible. De l’honneur de la famille, Blazius ! Savez-vous que nous sommes trente-sept mâles, et presque autant de femmes, tant à Paris qu’en province ?

Maître Blazius

Permettez-moi de continuer. Tandis que