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répondis que je n’avais rien tant à cœur que de lui obéir. Mais, malgré moi, les expressions dont je me servis se ressentaient de quelque amertume. Je retardai même volontairement le jour où il m’était permis de l’aller voir, et n’envoyai point demander de ses nouvelles, afin de la persuader que je ne croyais point à sa maladie. Je ne savais par quelle raison elle m’éloignait ainsi ; mais j’étais, en vérité, si malheureux, que je pensais parfois sérieusement à en finir avec cette vie insupportable. Je demeurais des journées entières dans les bois ; le hasard l’y fit me rencontrer un jour, dans un état à faire pitié. Ce fut à peine si j’eus le courage de lui demander quelques explications ; elle n’y répondit pas franchement, et je ne revins plus sur ce sujet. J’en étais réduit à compter les jours que je passais loin d’elle, et à vivre des semaines sur l’espoir d’une visite. À tout moment, je me sentais l’envie de me jeter à ses genoux et de lui peindre mon désespoir. Je me disais qu’elle ne pourrait y être insensible, qu’elle me paierait du moins de quelques paroles de pitié ; mais là-dessus son brusque départ et sa sévérité me revenaient ; je tremblais de la perdre, et j’aimais mieux mourir que de m’y exposer. Ainsi, n’ayant pas même la permission d’avouer ma peine, ma santé achevait de se détruire. Mes pieds ne me portaient chez elle qu’à regret ; je sentais que j’allais y puiser des sources de larmes, et chaque visite m’en coûtait de nouvelles ; c’était un déchirement comme si je n’eusse plus dû la revoir, chaque fois que je la quittais. De son côté, elle n’avait plus avec moi ni le même ton ni la même aisance qu’auparavant ; elle parlait de projets