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plaisait ; je me sentais un peu moins triste peut-être parce que, pour la seconde fois, j’étais sortie de cette odieuse maison. Dans les premiers moments, je n’eus pas trop à me plaindre de lui, sauf quelques plaisanteries de mauvais goût, peu généreuses dans tous les cas, que je réprimais de mon mieux.

Le garçon qui nous servait apporta une bouteille d’eau de seltz.

On pourrait donner à deviner en mille l’idée folle qui passa par la tête de l’homme singulier qui m’avait choisie comme victime de ses caprices. Il prit le siphon d’eau de seltz comme s’il voulait se verser à boire, et dirigeant l’orifice de mon côté, il m’inonda de la tête aux pieds. Il y a des conditions d’âge et des dispositions d’esprit où cela aurait pu être accepté comme une mauvaise farce. Mais j’étais si malheureuse que ce prétendu accès de folie m’exaspéra. Je versai un torrent de larmes ; mes larmes étaient des larmes de rage. Plus je pleurais, plus il riait…