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morceau, envoya le manuscrit à l’imprimeur. Les compositeurs d’imprimerie ne travaillèrent à cet ouvrage d’un poète inconnu que dans leurs moments de loisir. L’épreuve de la dernière feuille arriva vers la fin de l’année. Le 24 décembre, Alfred de Musset pria son père de donner une soirée de lecture où vinrent MM. Mérimée, de Vigny, Émile et Antony Deschamps, Louis Boulanger, Victor Pavie, de la Rosière et Guttinguer. Il leur récita Don Paëz, Portia et Mardoche. La plupart des invités connaissaient déjà les deux premiers de ces poèmes ; mais Mardoche, qui cassait les vitres, obtint les honneurs de la soirée. On tomba unanimement d’accord sur le succès infaillible réservé à ces poésies.

Peu de jours après parut, sous le titre de Contes d’Espagne et d’Italie, un volume de 232 pages, qui ne fut tiré qu’à cinq cents exemplaires[1]. On sait l’effet qu’il a produit. Bien rarement si petite quantité de papier fit autant de bruit. C’est une chose curieuse aujourd’hui que de relire les journaux d’alors. On en voit qui se mettent dans une colère rouge contre le livre et contre l’auteur. L’un se fâche de l’exagération des caractères et du langage ; l’autre, au contraire,

  1. Il ne faut pas s’étonner du petit nombre d’exemplaires tirés. Dans ce temps-là personne n’achetait les livres nouveaux. On les louait au cabinet de lecture le plus voisin. En peu de jours ces 500 volumes avaient eu dix mille lecteurs. De 1838 à 1840, ce mode de publicité changea. Le format in-18 expulsa l’in-8°, et chacun acheta le volume qu’il voulait lire.