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troisième fois. Pendant la cérémonie, un moine se tenait en prières dans un coin. C’était don Juan, le frère de Carlos, personnage sombre et mystérieux, qui parlait peu, toujours en termes vagues ou prophétiques,


Et semblait regarder plus loin que l’horizon.


Don Juan paraissait indifférent à ce qui se passait près de lui. Mais, après la cérémonie, il demandait à don Carlos un moment d’entretien. On les laissait seuls ensemble. Le moine faisait alors à son frère l’aveu de son amour pour Agnès. C’était lui qui avait empoisonné les deux premiers fiancés de la jeune fille. Ne pouvant pas prétendre à la main d’Agnès, à cause des vœux qu’il avait prononcés, il ne pouvait pas non plus souffrir qu’elle appartînt à un autre homme. Il suppliait Carlos de renoncer à ce mariage, et, comme ses prières étaient inutiles, le moine s’emparait d’une épée suspendue au mur, relevait la manche de son froc, se battait avec son rival, et le tuait vertement, — comme cela se pratiquait alors dans l’école romantique, — après quoi il se tuait lui-même, et Agnès se retirait dans un couvent.

Je n’ai pas besoin de dire à quelle source le néophyte de dix-sept ans avait pris le sujet et la forme de ce morceau. On y reconnaît l’influence du président du Cénacle, et quelques-uns de ses vers n’auraient pas été désavoués par le maître lui-même. Il faut