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souvent à pied, par les allées du bois de Boulogne, sans autre compagnie qu’un livre. Le jour qu’il emporta ainsi le petit volume d’André Chénier, il arriva plus tard qu’à l’ordinaire à la campagne. Sous le charme de cette poésie élégiaque, il avait pris le chemin le plus long. Du plaisir de relire et de réciter des vers qu’on aime à l’envie d’en faire, il n’y a qu’un pas. Alfred ne résista pas à la tentation. Il composa une élégie qu’il n’a point jugée digne d’être conservée. Elle commençait ainsi :


Il vint sous les figuiers une vierge d’Athènes,
Douce et blanche, puiser l’eau pure des fontaines,
— De marbre pour les bras, d’ébène pour les yeux.
Son père est Noëmon de Crète, aimé des dieux.
Elle, faible et rêvant, mit l’amphore sculptée
Sous les lions d’airain, pères de l’eau vantée,
Et féconds en cristal sonore et turbulent…


À la même fontaine arrivait un jeune garçon conduisant des chevaux et des mules, et tandis que ces animaux se pressaient en foule autour du bassin, le jeune homme demandait à la belle fille si elle était la nymphe de cette eau. Quand il l’avait reconnue pour une simple mortelle, il lui parlait d’amour et l’invitait à le suivre dans sa maison, dont il faisait une description poétique. La jeune fille, que son père avait vouée au culte de Diane, repoussait d’abord les offres du jeune homme, et puis elle se laissait séduire. Mais la déesse jalouse lui donnait sa malédiction, et