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appartiendrait à une espèce d’hommes si rares, qu’on en voit à peine trois ou quatre par siècle. Son chagrin se calma lorsque son maître de dessin, étonné de ses progrès, lui déclara qu’il ne tiendrait qu’à lui d’être un peintre. À l’idée qu’il pouvait avoir une vocation, le courage lui revint. Il passa les matinées au musée du Louvre et ses cartons se remplirent de dessins[1]. Cette passion pour la peinture n’était pourtant qu’un détour par où la nature s’amusait à l’égarer avant de lui montrer le chemin où elle le voulait conduire.

Au printemps de 1828, notre mère loua un petit appartement dans une fort grande maison, à Auteuil. Le hasard nous donna pour voisin M. Mélesville. Des relations charmantes s’établirent entre sa famille et la nôtre. On joua la comédie ; on improvisa des charades. Nous eûmes quelquefois pour spectateurs le père Brasier et M. Scribe. Alfred s’amusait passionnément à ces réunions. De grand matin il se rendait à Paris pour y suivre des cours et travailler dans un atelier de peinture, et il revenait dîner à Auteuil,

  1. La plupart de ces dessins, parmi lesquels se trouvaient beaucoup de compositions originales, ont été détruits par lui-même. Les amis d’Alfred de Musset coupaient souvent les pages de son album. Il me reste encore deux dessins vraiment achevés : un portrait en pied de Louise Bouvier, célèbre voleuse détenue dans la maison centrale de Clermont, et une tête de lord Byron. — Madame Maxime Jaubert possède une cinquantaine de dessins d’Alfred de Musset. — Un album plein de caricatures m’a été donné par une de mes cousines chez laquelle il avait passé un mois en 1842.