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la vie, dans de telles conditions, lui eût été impossible.

Comme il l’a dit en vers à madame Ristori, Alfred de Musset eut toujours le cœur prompt à l’appel du génie. On sait quel immortel hommage il a rendu à M. de Lamartine. Il admirait aussi Béranger ; mais il ne concevait pas qu’un poète de talent se renfermât de parti pris dans le cadre étroit de la chanson. Il le plaignait de s’être imposé l’entrave souvent pénible du refrain, et d’avoir traîné toute sa vie le boulet de la faridondaine. Mais il n’était pas de ceux qui, pour se dispenser de rendre justice au noble caractère de Béranger, ont appelé son désintéressement une coquetterie.

Ce n’est pas sans dessein que l’auteur des Pensées de Raphaël a parlé de la rencontre, sur sa table, de Shakspeare et de Racine. Il professait une égale admiration pour ces deux génies si différents. Dans la fougue de la jeunesse, il préféra le premier ; la réflexion et la maturité lui apprirent tout ce que valait le second. Lorsqu’il rencontrait dans Racine un sentiment énergique et passionné, il s’écriait que cela était beau comme Shakspeare, et s’il trouvait dans le poète anglais une grande pensée revêtue d’une forme pure et irréprochable, il la comparait à la poésie de Racine. Une des choses qu’il aimait le plus au monde était une certaine exclamation de Phèdre, qui exprime par sa bizarrerie le trouble profond de ce cœur malade :