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quatrain suivant, imité du douzième sonnet de Pétrarque :


Bénis soient le moment, et l’heure, et la journée,
Et le temps et les lieux, et le mois et l’année,
Et la place chérie où, dans mon triste cœur,
Pénétra de ses yeux la charmante douceur !


Cela fait, Chenavard se rend chez M. Mélesville en éclaireur, pour sonder le terrain et offrir son dessin enrichi d’un autographe. Au premier mot qu’il dit de la jeune fille, on lui apprend qu’elle est promise à M. Van der Vleet, et que le mariage doit se faire bientôt. Ainsi finit ce complot d’un jour. Alfred n’y renonça pas sans chagrin. Les gens sérieux peuvent sourire de ce roman à peine ébauché ; on ne m’ôtera pas de l’esprit que, si ce projet eût tourné autrement, le poète vivrait encore. Une fois soumis à la toute-puissante influence d’une femme belle, intelligente, aimée et digne de lui, Alfred aurait été le plus fidèle, le plus sage et le plus heureux des maris. Il avait le respect de la foi jurée ; son indépendance se serait parfaitement arrangée des devoirs qui assurent le bonheur. Un mariage selon ses goûts l’aurait sauvé.

L’expérience et les années n’ont pas eu le pouvoir de refroidir le cœur d’Alfred de Musset. Bien au contraire, jusqu’à son dernier moment, sa sensibilité ne fit que s’exalter davantage. C’étaient des agitations,