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qu’on lui a attribués sont ceux-là mêmes qui prétendent les avoir entendus, et qu’ils ont pris ce détour pour satisfaire leurs propres rancunes. Quand on l’offensait, quand on se hasardait à l’attaquer en face, Alfred de Musset avait la repartie prompte et terrible ; mais l’idée ne lui vint jamais de commencer les hostilités. Quelquefois même il lui arriva de ne comprendre le sens d’un mot désobligeant pour lui qu’après réflexion, tant il croyait difficilement à une intention malveillante.

Non seulement il n’abusa jamais de la supériorité de son esprit, mais, dans la conversation, il se mettait à la portée de ses interlocuteurs, autant par modestie que par savoir-vivre, et les laissait, en les quittant, aussi satisfaits d’eux-mêmes que de lui. Cette complaisance ne l’empêchait point de soutenir ses opinions avec une entière franchise ; mais l’attention qu’il prêtait à celles des autres, et les formes polies qu’il savait garder, rendaient la discussion facile et intéressante. Il y avait plaisir à se trouver en désaccord avec lui. Peu de gens ont le courage de leurs opinions vis-à-vis des hommes puissants, et même ce doit être une chose fort ennuyeuse pour les princes que cet éternel assentiment par lequel on répond à toutes leurs paroles ; Alfred de Musset leur plaisait, en osant se prononcer d’un avis contraire au leur, et avec autant de tact que d’indépendance.

Par une juste réciprocité, il aimait qu’on lui tînt