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revenir. Je prétextai une affaire, et je partis pour Paris. En arrivant, je trouvai mon frère au lit, mais calme et sans fièvre. Ses syncopes habituelles le reprenaient de temps à autre, mais dans les intervalles il ne souffrait point. Il écoutait des lectures ou causait tranquillement. La gouvernante, que j’avais toujours vue excellent juge de son état, paraissait moins alarmée ; je me rassurai. Jusqu’au 29 avril, le mieux se soutint. Le 30, dans la journée, le médecin me sembla inquiet ; son inquiétude me gagna quand je l’entendis prononcer le mot terrible de consultation. Le 1er mai, à sept heures du matin, M. Morel-Lavallée eut un entretien avec le savant M. Rostan que je lui amenai. Tous deux me dirent séparément qu’il n’y avait point encore péril, et qu’ils reviendraient le lendemain à pareille heure. La journée ne fut pas mauvaise. Notre malade, ayant obéi scrupuleusement à toutes les prescriptions, éprouva un soulagement réel. Le soir, il se félicita de sa docilité. « La bonne chose que le calme ! disait-il. On a bien tort de s’effrayer de la mort qui n’en est que la plus haute expression. »

Son état moral était excellent. Il faisait des projets, entre autres celui de retourner au Havre ; mais, comme il lui fallait toujours un sujet d’inquiétude, il regretta de n’avoir point accepté la proposition de son libraire, qui lui demandait la cession complète et à perpétuité de la propriété de tous ses ouvrages,