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aussi enthousiaste de Rose Chéri qu’il l’avait été de Rachel et de Pauline Garcia. Le soir même de mon arrivée à Paris, il fallut me laisser conduire au Gymnase. Cette passion d’artiste dura aussi longtemps que les représentations de Clarisse Harlowe.

L’hiver de 1847 nous parut fort triste. Notre appartement semblait agrandi de moitié. À quoi bon dire des folies à table ? Il n’y avait plus là personne pour en rire. Plus de musique après le dîner ! Ces mélodies de Mozart, ces sonates de Beethoven que nous avions l’habitude d’évoquer d’un mot, on ne les entendait plus, et le piano lui-même avait disparu, laissant un trou dans le mobilier de notre salon. J’engageais mon frère à couper l’hiver en deux par une excursion, soit en Anjou, soit dans un pays chaud ; mais on ne pouvait pas l’arracher de ce Paris dont il se plaignait de connaître tous les pavés. Au mois de septembre seulement, je le décidai à en sortir ; nous allâmes ensemble aux bains de mer du Croisic, et de là chez notre sœur, où Alfred se trouva si heureux que je l’y croyais fixé pour longtemps. Il y resta un mois, et ce fut beaucoup pour lui. Une nouvelle incroyable l’attendait à Paris : on allait jouer le Caprice au Théâtre-Français ! La fortune de cette pièce est vraiment singulière.

Madame Allan-Despréaux, oubliée des Parisiens, jouissait d’une grande faveur à la cour de Russie. Admise dans la plus haute société, elle y avait pris le