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cette peinture de la vie parisienne me fit un plaisir extrême. Je reconnaissais, d’ailleurs, les personnages. Celui du comte était si ressemblant, que, de loin, je voyais mon frère prenant son chapeau à chaque coup de sonnette, laissant la porte entr’ouverte et ne pouvant se décider ni à rester ni à sortir. La femme aurait été plus difficile à reconnaître si le titre de marquise ne m’eût guidé. J’appris bientôt que je ne m’étais pas trompé dans mes conjectures. La conversation avait eu lieu à bien peu de chose près comme elle est rapportée dans le proverbe. Le dénoûment seul a été ajouté. La marquise resta veuve ; le poète s’en alla, et la porte fermée ne se rouvrit qu’à la visite suivante, où l’on devisa d’autre chose.

Il faut le dire à la louange de l’acteur Bocage, c’est lui qui le premier poussa jusqu’à un commencement d’exécution l’entreprise hardie de faire jouer un acte d’Alfred de Musset devant un public payant. Bocage, directeur de l’Odéon, voulait absolument risquer une représentation du Caprice. Mademoiselle Naptal apprenait déjà le rôle de madame de Léry. L’auteur, qui se souvenait de la Nuit vénitienne, s’attendait à un second échec ; il n’alla pas aux répétitions, et donna carte blanche à Bocage. Je n’ai jamais su pourquoi ce projet n’eut pas de suites. Peut-être fut-il empêché par un de ces mille contre-temps dont le théâtre est plein, comme l’engagement de mademoiselle Naptal à la Comédie française, ou la pré-