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venir causer avec sa marraine, qui lui promettait de défendre sa porte aux autres visiteurs.

Le mardi 13 août 1844, après le dîner, Alfred se rendit à cette invitation. La conférence dura jusqu’à minuit. Pendant ce temps-là, j’étais parti pour les Vosges et pour Bade, où des amis m’attendaient ; ils m’entraînèrent en Suisse ; je les quittai à Constance, et me rendis à Venise. Lorsque j’en revins, au mois de novembre, je demandai à la marraine quel avait été le résultat de son entrevue : « Ne m’en parlez pas, répondit-elle avec émotion. J’ai fait beaucoup de mal à notre cher Damis[1]. Je m’en suis fait beaucoup à moi-même. Je ne puis vous répéter ce qu’il m’a dit. Cela est au-dessus de mes forces. Sachez seulement qu’il m’a battue sur tous les points ; qu’il a cent fois raison ; que son silence, ses ennuis, ses dédains ne sont que trop bien justifiés ; que, s’il voulait les exprimer, il ferait rentrer sous terre ceux qui se mêlent de le blâmer et de le plaindre, et que tôt ou tard son immense supériorité sera reconnue par tout le monde. Laissons faire le temps, et ne jouons plus avec le feu, car nous ne sommes que des enfants auprès de lui. En me quittant, le pauvre garçon m’écrivit un sonnet qu’il m’envoya le lendemain de grand matin, et qui m’a arraché des larmes. Il voulait me montrer ce qu’il était capable de faire, comme si

  1. C’était un des surnoms qu’elle aimait à donner à son filleul.
    P. M.