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trarque. Parmi ceux qui m’appellent paresseux, je voudrais savoir combien il y en a qui répètent ce qu’ils ont entendu dire, combien d’autres qui n’ont jamais lu un vers de leur vie et qui seraient bien attrapés si on les obligeait à lire autre chose que les Mystères de Paris. Le roman-feuilleton, voilà la vraie littérature de notre temps. »

L’oblitération du goût public était une des causes de ce silence qu’il voulait garder ; mais il y en avait d’autres plus profondes et d’un ordre plus élevé, sur lesquelles sa modestie lui interdisait de s’expliquer entièrement, même dans le tête-à-tête avec moi ou avec son ami Tattet. Les vers Sur la paresse ne contenaient que la moitié de ses pensées. S’il eût écrit son poème de Judith, cette indifférence et ce dédain se seraient peut-être retrouvés dans le personnage d’Allori. Selon son habitude, le poète aurait eu l’envie de prêter à son héros ses propres sentiments. L’occasion et le prétexte étant donnés, il y aurait formulé ses raisons, ses griefs, ses sujets de dégoût, dans le langage de la Nuit de mai, et ce cœur qu’il voulait tenir fermé se serait ouvert malgré lui ; c’est pourquoi je considère le poème de Judith comme regrettable à plus d’un titre.

Cet homme si paresseux ne pouvait pas demeurer oisif pendant une heure. Son temps était partagé entre la lecture et le jeu des échecs. Il se mit à étudier les ouvrages de Philidor, de Walker, etc. ; il eut