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doute jeté au feu ces jalons inutiles, et ma mémoire n’en a retenu que des lambeaux informes.

Nos conversations sur l’Italie ne discontinuèrent pas de tout l’hiver. Cet innocent plaisir fut interrompu par une pleurésie que mon frère gagna le plus follement du monde, pour avoir voulu se promener le soir au bois de Boulogne, par un beau ciel, mais aussi par un froid mortel. Les saignées, dont on abusa encore, allongèrent le temps de sa convalescence. Pour se désennuyer, il écrivit une Nouvelle, sur les amours de deux sourds-muets, qui parut dans le Constitutionnel. Il composa, en même temps, les stances intitulées À mon frère revenant d’Italie, et puis il garda le silence, malgré les sollicitations de tous genres et les offres les plus brillantes. Ses amis eux-mêmes durent cesser leurs remontrances, voyant qu’il les prenait fort mal. « Je serais curieux de savoir, me disait-il, si Pétrarque avait incessamment à ses trousses une douzaine de pédagogues ou de sergents de ville, pour le forcer, l’épée sur la gorge, à chanter les yeux bleus de Laure, quand il avait envie de se tenir en repos. Ce reproche de paresse est une invention nouvelle qui sent d’une lieue le siècle des manufactures. Que ne l’a-t-on adressé à Monsieur de Cambrai, pour n’avoir voulu faire qu’un seul roman, ad usum Delphini. Vous mériteriez tous que je me misse à écrire un poème en latin, aussi long et aussi indigeste que l’Afrique de Pé-