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Je n’étais qu’à la première étape de mon voyage au moment où je reçus cette lettre. Je m’étais arrêté à Mirecourt, dans les Vosges, où notre bon oncle Desherbiers était sous-préfet. La confidence de la marraine me troubla fort. J’écrivis à mon frère pour lui déclarer que, s’il avait sérieusement besoin de moi, je remettrais le voyage en Italie à une autre époque, et que je reviendrais passer l’hiver à Paris. Alfred me répondit la lettre suivante, que je transcris ici pour donner une idée de la délicatesse et de la discrétion de cœur de mon frère, ainsi que de l’amitié qui nous unissait.


« Je te remercie de tout mon cœur, mon cher ami, de la bonne lettre que tu m’écris, et je commence par répondre en conscience, comme tu le veux, à ta question. Ne pense pas, je t’en prie, à moi autrement que comme à un frère et à un ami ; mais oublie complètement mes ennuis passagers qui ne sont plus rien. Je me porte très bien maintenant, et, comme je n’ai aucune cause de chagrin ni réelle ni matérielle, ma tristesse est partie avec la fièvre. Certes, nos conversations du soir m’étaient très chères, et je n’oublierai jamais, sois-en bien sûr, l’amitié que tu m’as montrée dans tous ces derniers temps de chagrin ; tu m’as été extrêmement utile, et en même temps extrêmement bon ; mais je te prie en grâce d’entreprendre ton voyage sans aucun regret, sans aucune arrière-pensée qui puisse te troubler un seul instant.

» Ma mère est revenue, madame Jaubert aussi. Tu vois que je ne suis plus seul. Madame de Lagrange m’a invité à revenir de la façon la plus aimable.

» Le bon capitaine m’a chargé de te dire que l’affaire de la correspondance était arrangée. Les lettres pour toi seront