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séquent, plus poète que jamais. Le malheur, les regrets, le chagrin ne faisaient qu’exaspérer sa sensibilité. Les larmes lui venaient aux yeux pour un mot, pour un vers, pour une mélodie. Dans le moment où il se plaignait de n’avoir plus la force de vivre, ses impressions augmentaient de vivacité, et les objets extérieurs agissaient sur son organisation avec une puissance plus grande.

Un jour, il trouva, dans son édition des quatre grands poètes italiens, quelques sonnets de Michel-Ange Buonarotti. La profondeur des pensées, la concision vigoureuse de la forme lui plurent extrêmement. Il s’amusait à rechercher, dans la manière du poète, les qualités particulières du sculpteur et du peintre, et, quand il rencontrait un vers où la pensée semblait à l’étroit, contenue tout entière dans un petit nombre de mots, il s’écriait : « Voilà du raccourci ! »

L’envie lui vint ensuite de dessiner, comme Michel-Ange, quelque grande figure sculpturale. Il était alors en relations fréquentes avec une fort belle et fort grande dame pour laquelle il avait beaucoup d’amitié, mais qui le traitait parfois avec une brusquerie et une sévérité qu’il ne supportait pas toujours patiemment, en sorte que cette amitié était souvent mêlée de brouilles et d’orages[1]. Je n’ai jamais su

  1. Voir la Correspondance à l’année 1842.