Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poètes auxquels le directeur de la Revue avait souvent renvoyé leurs vers sans plus de ménagements pour les dames que pour les messieurs ; que tout me paraissait injuste dans cette appréciation, jusqu’au mot de méditation appliqué à des poésies d’une originalité incontestable ; que ce n’était point à la Revue des Deux-Mondes à parler en ces termes d’un de ses rédacteurs les plus aimés ; mais que, s’il s’agissait d’étonner ses lecteurs par l’insertion d’une phrase dont les admirateurs d’Alfred de Musset seraient plus blessés que lui-même, le but de l’article se trouvait parfaitement atteint, et qu’il n’y avait rien à y changer. M. Buloz s’empressa de m’assurer que ce n’était pas là son intention, et il me promit d’engager M. Sainte-Beuve à modifier ou à supprimer ce passage de son article.

Cependant, le 15 janvier, au moment où l’on apporta la livraison de la Revue, connaissant bien l’humeur susceptible et l’amour-propre intraitable de Sainte-Beuve, j’eus comme un pressentiment que le passage ne serait point changé. Alfred prit la brochure, l’ouvrit au hasard, et tomba justement sur la page où il était nommé. Au bout d’une minute, il remit le numéro de la Revue sur la cheminée, en disant tout bas : « Et toi aussi, Sainte-Beuve ! »

Puis il parla d’autre chose, et ne voulut pas revenir sur ce sujet. Moi seul, je me plaignis, comme j’en avais le droit, et je subis les conséquences de mes