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bottes que je n’aurais de curiosité pour tous les secrets de la politique actuelle de l’Europe. Je sais bien que nos beaux esprits ne craignent rien tant que le ridicule du chauvinisme ; mais moi je me moque de ce ridicule-là. »

Le mois de juin arrivé, les Parisiens se dispersèrent. Tattet invita son ami à venir respirer l’air de Bury. Comme les années précédentes, on courut à cheval le jour et la nuit dans les bois de Montmorency. À la place même où il avait composé, en 1838, le joyeux sonnet : Quel plaisir d’être au monde !…, Alfred sentit le changement opéré en peu de temps dans ses idées et ses goûts. La vie turbulente qu’on menait à Bury ne lui inspirait que des envies de pousser son cheval dans quelque allée solitaire. Ses amis m’ont raconté qu’un matin, comme il tardait à se lever, ils entrèrent dans sa chambre et trouvèrent sur sa table un sonnet que plus tard, en le publiant, il a intitulé Tristesse. Après avoir laissé deviner l’état de son cœur et de son esprit à des compagnons actifs dont il ne partageait plus l’ardeur au plaisir, il craignit de les gêner et déserta.

La politique, en ce temps-là, sortit pour un moment de sa langueur. On croyait à une guerre imminente. La France, encore une fois seule en face de ses vieux ennemis, faisait mine de vouloir tenir tête à une nouvelle coalition brassée par l’Angleterre. Tant que le gouvernement conserva son attitude