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fred les considérait comme les faveurs d’une puissance mystérieuse et consolatrice.

Suivant la marche ordinaire de son esprit, le poète privé de cette sœur qu’il regrettait, commença par penser à elle de toutes ses forces ; et puis ses pensées devinrent des paroles et les paroles formèrent des vers. Un jour, il m’apprit qu’il avait composé des stances À la sœur Marcelline ; mais il refusa obstinément de les mettre par écrit. « Ces vers-là, disait-il, sont faits pour moi seul ; ils ne regardent que moi, et je ne les dois à personne. J’ai bien le droit de composer une douzaine de stances pour mon usage particulier et de me les réciter à moi-même, quand cela me convient. Je te les dirai une seule fois : tâche de te les rappeler si tu peux. »

Il me les récita, en effet, une seule fois. Tattet les entendit à son tour et supplia vainement son ami de lui en donner copie. Plus tard, une autre personne, dont les soins ne furent pas moins utiles que ceux de la sœur Marcelline, nota dans sa mémoire quelques-uns de ces vers. En réunissant nos souvenirs, nous recomposâmes à grand’peine quatre stances, encore leur ordre n’est-il pas bien certain. Lorsque je fis part à mon frère de cette indiscrétion, il ne s’en fâcha point, et, comme il ne m’a jamais demandé le secret, je ne vois pas de raison pour rejeter dans un oubli éternel une des plus pures inspirations de la muse évanouie. Voici tout ce que j’ai