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tavernes, il y en a de joyeux et de vermeils ; il y en a de pâles et de silencieux. Peut-on voir un spectacle plus pénible que celui d’un libertin qui souffre ? J’en ai vu dont le rire faisait frissonner. Celui qui veut dompter son âme avec les armes des sens peut s’enivrer à loisir ; il peut se faire un extérieur impassible ; il peut enfermer sa pensée dans une volonté tenace ; sa pensée mugira toujours dans le taureau d’airain. »


La mélancolie qui inspirait de telles réflexions n’était pas facile à surmonter. Quand on a perdu le sentiment du plaisir dans l’acception que le poète donnait à ce mot, les dissipations ne sont plus bonnes à rien. Pendant le carnaval, Alfred s’imposa comme un devoir de se mêler deux ou trois fois à des bandes joyeuses ; il ne rapporta de ces excursions que de la fatigue et un surcroît d’ennui.

Un jour, il voulut recommencer quoiqu’il se sentît en mauvaise disposition. « Je fais, disait-il, comme feu M. de Turenne : mon corps ne voudrait pas aller à la bataille, mais ma volonté l’y mène malgré lui. »

Cette fois, la nature se fâcha ; il revint à la maison avec une fluxion de poitrine. M. Chomel, qui était pourtant un des plus habiles médecins de Paris, ne jugea pas bien la maladie et la prit d’abord pour une fièvre cérébrale. Si l’on eût suivi ses premières prescriptions, la méprise aurait pu coûter cher. Heureusement l’instinct maternel, plus clairvoyant que la science, devina l’erreur et la répara.

Ce n’était pas trop de trois personnes, assistées