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bération continuant, j’exprimai le désir que les trois derniers ouvrages, l’Adieu à la vie, le morceau de musique et le portrait, inspirés tous trois par un sentiment vrai, fussent remarqués de quelque personne intelligente, et reconnus pour des chefs-d’œuvre.

— Et la modestie de l’auteur, interrompit mon frère, qu’est-ce que tu en fais ?

Je répondis que l’auteur saurait bien mettre sa modestie à l’abri de tout reproche, s’il voulait s’en donner la peine.

— Je ne vois donc, reprit-il, qu’un moyen de te satisfaire ; c’est d’introduire sur la scène une jeune fille voyageant en Suisse avec son père. Elle aura l’oreille fine et entendra le chant de l’Adieu à la vie. Le sens des vers et l’accent du chanteur lui apprendront que ce garçon-là ne fait pas de la musique pour se divertir. Poésie, musique et portrait lui sembleront admirables, et le jeune homme plus aimable encore. Le héros sera sauvé par l’amour, et j’échapperai au reproche de fatuité, car l’engouement d’une femme pour les élucubrations de son amant ne prouve pas que ce soient des chefs-d’œuvre.

Sans s’arrêter définitivement à cette idée, Alfred me promit, du moins, d’y réfléchir ; mais je compris qu’il revenait au dénoûment tragique, un soir qu’en parlant de Jacopo Ortis, il me dit : « Le monde n’a de pitié que pour les maux dont on meurt. » Peu de jours après, il me lut son Idylle de Rodolphe et Al-