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bat. La boîte ne s’y trouvait pas, mais j’avais par prudence enfermé les capsules et la poudrière dans un tiroir de bureau où elles étaient encore.

À l’heure du déjeuner, Alfred vint s’asseoir à table, comme à l’ordinaire. Il paraissait triste, et répondait à peine aux questions que je lui adressais sur sa visite nocturne. On lui apporta une lettre qu’il lut et relut. Mademoiselle Rachel l’invitait à venir passer quelques jours chez elle à Montmorency, où elle avait loué une maison de campagne. Il partit d’un air joyeux, oubliant la boîte de pistolets que je remis à sa place. Je ne sais ce que contenait la lettre de Rachel, outre l’invitation ; mais il est certain que, durant son séjour à Montmorency, le poète amusa si bien son hôtesse par des dissertations sur les arts et des conversations légères ou sérieuses, qu’on ne le laissa retourner à Paris qu’avec bien du regret. Rentré à la maison dans une bonne disposition d’esprit, il écrivit à sa marraine une lettre où il ne parlait presque point de son séjour à Montmorency, contrairement à son habitude de rendre un compte exact de ses impressions à cette chère marraine ; mais il racontait d’autres impressions plus récentes, à la suite desquelles cette lettre contenait la phrase suivante : « Qu’elle était charmante, l’autre soir, courant dans son jardin, les pieds dans mes pantoufles ! » Je me borne à citer ce passage, en laissant au lecteur le soin d’en tirer les déductions et conclusions qu’il lui plaira d’imaginer ;