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il n’y a point de bonne rémunération, si l’on ne remplit beaucoup de pages. Alfred gouvernait assez mal ses finances ; l’équilibre entre les recettes et les dépenses lui fut toujours aussi inconnu que l’art moderne de grouper les chiffres. Le moindre incident, l’impression la plus fugitive suffisaient pour faire descendre sa muse ; mais quand tout cela ne fournissait pas grande matière aux typographes, il avait recours aux crédits supplémentaires, de sorte que bien souvent le produit de son travail était dissipé d’avance, ce dont il éprouvait un regret bien sincère le jour du règlement des comptes. Cependant, sans occuper un grand espace dans les livraisons de la Revue, les nouvelles avaient produit des sommes assez rondes pour que l’auteur s’en aperçût. Bien des gens, à sa place, auraient fait de cette remarque la base d’une spéculation. Pour lui, ces travaux, mieux rétribués que la poésie, devinrent la cause d’un chagrin qui alla jusqu’au désespoir. Mais ce sont là des cas de conscience littéraires que les hommes de la génération présente auraient trop de peine à comprendre si on ne leur en donnait l’explication.

Un jour, j’engageais mon frère à revenir, au moins pour un temps, aux nouvelles en prose. Je lui représentais que ses affaires s’embrouillaient, et que les malheurs de Galsuinde et l’ambition de Frédégonde n’y mettraient pas ordre. D’abord, il rejeta bien loin la proposition d’interrompre ses lectures historiques et