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Les représentations de Bajazet attirèrent la même affluence de spectateurs que celles des tragédies précédentes, et les applaudissements vengèrent Roxane offensée. Rachel joua toute sa vie ce beau rôle, malgré le conseil charitable qu’on lui avait donné d’y renoncer, et ceux-là même qui, pendant longtemps, soit pour se singulariser, soit par d’autres motifs, ont fait à l’artiste de génie une guerre impie et cruelle, de son vivant, plus tard ont battu monnaie sur le corps de Rachel morte, et répandu sur sa tombe les fleurs artificielles et les larmes frelatées de la spéculation.

Au milieu de ces lances rompues, qui le faisaient vivre de la bonne vie des arts, Alfred fut averti que mademoiselle Garcia devait chanter dans un concert au théâtre de la Renaissance (le théâtre Italien d’aujourd’hui, place Ventadour). Depuis la matinée de musique où la marraine nous avait réunis, nous avions formé, entre douze ou quinze admirateurs de ce talent si précoce, une ligue défensive pour l’aider dans ses débuts à Paris. Parmi les plus ardents de cette phalange, on peut citer MM. Maxime Jaubert, conseiller à la cour de cassation, Berryer, Auguste Barre le statuaire, le prince Belgiojoso, le

    il appelait Alfred de Musset poète de troisième ordre. Le même critique osa mettre bien au-dessus de Rachel une certaine demoiselle Maxime, complètement oubliée aujourd’hui. De telles énormités ne se commettent pas de bonne foi, et rien ne peut les racheter.

    P. M.