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héros, dont on ne savait rien, si ce n’est qu’il eut beaucoup de talent et ne daigna le prouver qu’une seule fois. De tous ses petits romans, le Fils du Titien est assurément celui que l’auteur a écrit avec le plus d’entrain et de plaisir. Il en voulait faire un bijou, et il y ajouta l’ornement de deux sonnets composés exprès, afin de donner, argent comptant, des preuves irrécusables de l’esprit du héros et de son talent de poète, puisqu’on ne pouvait le montrer grand peintre que par écrit. Tout le mois d’avril fut employé à ce travail, et cette fois, sans interruption, si j’ai bonne mémoire.

Le Fils du Titien parut dans la Revue le 1er mai 1838. On y reconnaîtra désormais quelques souvenirs personnels, dans l’épisode de la bourse et dans les mœurs d’enfant prodigue du héros. Plus d’un lecteur se donnera sans doute le plaisir d’observer avec quel art ces légers reflets de la vie de l’auteur sont jetés au milieu d’une œuvre d’invention sur un sujet des temps passés. Alfred considérait ce roman comme une de ses meilleures productions, tant à cause des deux sonnets qu’il croyait irréprochables que de la distinction du sujet. Il l’avait traité avec une telle conscience qu’il se reposa pendant six semaines après la publication, pour faire un peu comme le Tizianello. Mais le jour n’était pas encore venu où il devait prononcer le vœu de paresse et donner les raisons de son silence.

Un soir, des conversations de café dans lesquelles des envieux se permirent de dénigrer devant lui tous