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avancé. Souvent, rebuté par l’outrecuidance dogmatique des uns, l’indécision et l’obscurité des autres, il fermait le volume et reprenait, où il l’avait laissée, l’histoire de la pauvre Bernerette. Mais le jour même où il coucha son héroïne dans la tombe, comme les larmes lui étaient venues aux yeux en écrivant la dernière page, sa défaillance avait cessé. Il me dit ce mot que je n’ai jamais oublié : « J’ai assez lu, assez cherché, assez regardé. Les larmes et la prière sont d’essence divine. C’est un Dieu qui nous a donné la faculté de pleurer, et, puisque les larmes viennent de lui, la prière retourne à lui. » Dès la nuit suivante, il commença l’Espoir en Dieu.

Probablement les lecteurs de la Revue, quand ils virent paraître dans ce recueil, à un mois de distance l’une de l’autre, l’histoire d’une grisette et une invocation au Créateur, ne se doutèrent pas de la corrélation qui pouvait exister entre deux morceaux si différents. Il est certain pourtant que la mort de Bernerette, en provoquant dans l’âme de l’auteur un attendrissement passager, pour une souffrance imaginaire, avait noyé toutes les philosophies du monde dans une goutte d’eau. Les vers sur la Mi-carême, qui suivirent de très près les deux autres publications, prouvèrent encore la mobilité de cet esprit si jeune et si impressionnable. Un soir, dans je ne sais quel bal, le cotillon avait été mal conduit ; Alfred saisit l’occasion de faire un éloge de la valse qu’il méditait de-