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Alfred crut comprendre que le sonnet avait été lu, et qu’il avait déplu. Il supplia le prince de lui dire ce qui, dans ses vers, avait blessé les oreilles royales. Le duc d’Orléans avoua, en rougissant, que c’était la familiarité et le tutoiement ! « Je ne l’aurais pas deviné en mille, répondit le poète, en rougissant à son tour. »

Les deux condisciples se séparèrent aussi consternés l’un que l’autre. Lorsque mon frère me raconta cette étrange conversation, nous relûmes ensemble le sonnet. Je me demandai s’il était possible que le roi, qui était homme d’esprit et très instruit, eût été réellement choqué d’un langage que Boileau avait tenu à Louis XIV. Cela nous sembla impossible. Vraisemblablement, le prince avec sa vivacité de jeune homme avait dérangé son père en arrivant mal à propos. Le roi l’avait écouté à moitié, d’une oreille distraite, et s’était débarrassé de lui en donnant le premier prétexte venu. Le prince royal se tira galamment d’affaire avec son ancien condisciple, en le faisant inviter aux bals du château. Une circonstance singulière vint prouver qu’au moment où le sonnet avait été communiqué au roi, le duc d’Orléans, voyant que l’impression n’était pas favorable, avait eu le bon goût de ne pas nommer l’auteur. Le jour qu’il fut présenté, Alfred de Musset, quand on prononça son nom, vit Louis-Philippe s’approcher de lui en souriant : « Ah ! dit le roi,