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lueur des torches. Le poète s’amusa de ce régime bizarre qui le desheurait.

Louise, — c’était le nom de la grisette, — pleurait pendant ce temps-là. Elle écrivit quelques lettres de reproches non dépourvues d’éloquence. Alfred, que la souffrance avait rendu accessible à la pitié, se laissa toucher. Il revint à Paris chercher sa maîtresse et l’emmena dans la petite maison de Tattet, à Margency. C’est là que la jeune fille, enivrée par l’air des bois et la liberté, donnant carrière à sa gaieté inaltérable, posa, sans le savoir, pour les deux figures éminemment parisiennes de Bernerette et de Mimi-Pinson. La fidélité d’une grisette n’était pas plus à toute épreuve en ce temps-là qu’aujourd’hui. Après les deux ou trois ruptures et raccommodements d’usage, la liaison finit par se dénouer tout à fait.

À son retour de Bury, lorsqu’il rentra dans son cabinet de travail, Alfred en examina les objets avec intérêt, comme s’il eût retrouvé de vieux amis. Sa mobilité naturelle lui rendait agréables tous les contrastes. Un jour, je le regardais se promener de long en large, tantôt fredonnant la cavatine de Pacini que le piano de Liszt et la voix de Rubini venaient de mettre à la mode, tantôt murmurant tout bas des mots qui se groupaient en hémistiches. Il s’arrêta enfin devant sa table de travail, et prit une grande feuille de papier sur laquelle il écrivit ce qui suit :