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prises avec la solitude et l’abandon, il se demanda quelle raison de vivre lui restait encore. Je le voyais rêver à tout ce qu’il avait perdu, et se complaire dans son chagrin ; il s’y plongea le plus profondément qu’il put, car il préférait la douleur à l’ennui. Je lui représentais qu’il s’exposait à rendre son mal incurable, et il me répondait : « Il l’est ».

Alfred de Musset professait hautement pour M. de Lamartine autant de sympathie que d’admiration. Un soir du mois de février 1836, à la suite d’un accès de mélancolie, je le trouvai relisant les Méditations. Cette poésie, dont il venait d’éprouver les vertus calmantes, lui avait inspiré l’envie d’adresser, par reconnaissance, quelques vers à l’auteur du Lac. Il me récita tout le début de l’épître à Lamartine, jusqu’à ce vers où il dit que lord Byron, dans les derniers temps de sa vie,


Sur terre, autour de lui, cherchait pour qui mourir.


Mais il hésitait à continuer, craignant que la prétention d’intéresser Lamartine par le récit de ses souffrances ne parût trop ambitieuse. Pour le décider à mettre de côté ces scrupules de modestie, je lui donnai hardiment l’assurance que de tels vers feraient autant d’honneur à M. de Lamartine qu’à l’auteur, et que l’Europe entière s’intéresserait à la douleur qui les avait dictés. Aussitôt nous procédâmes ensemble aux apprêts accoutumés des jours