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En quelques heures, l’avenir entrevu, le bonheur, les projets, tout fut brisé, anéanti. Peut-être Alfred n’aurait-il pas pu se résigner à une seconde rupture, s’il n’avait eu en face de lui qu’un jaloux ; mais, en apprenant qu’il faisait un malheureux et qu’il allait rendre une catastrophe inévitable, il ne résista plus, et s’inclina devant la volonté de son amie, avec autant de respect que de désespoir.

Ainsi finirent les amours d’Emmeline. Comme dans la fiction qui porte ce titre, l’intrigue se dénoua tristement aux sons joyeux d’une valse, entre deux figures du Cotillon, par l’entremise d’une amie touchée de pitié, mais inébranlable comme le destin. Alfred avait fait la même promesse que son personnage de Gilbert : « Pour vous, tout au monde ! » Les conditions imposées étaient celles d’une séparation complète. Il voulait partir ; il prenait ses mesures et annonçait son prochain départ à ses amis ; mais le courage lui manquait. Il demandait un jour de grâce, et encore un jour. Tout à coup, on lui fit savoir qu’il pouvait rester.

Pendant ces tiraillements douloureux, Alfred était soutenu par la grandeur même de son sacrifice. Ne devait-il pas s’estimer heureux de pouvoir rendre le repos à son amie aux dépens du sien ? Il voulait aussi donner l’exemple d’une souffrance noblement acceptée. Mais bientôt, les pourparlers étant finis et son malheur consommé, lorsqu’il se retrouva aux