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de l’amoureux dura trois semaines. Au bout de ce temps, Alfred fut assiégé par de nouveaux soupçons. Tout le poison qu’il avait bu à Venise, l’année précédente, lui revenait sur les lèvres. Avec de la douceur, de la patience, son amie aurait pu le guérir de cette défiance jalouse ; mais, par malheur, il avait affaire à un cœur fier, susceptible et décidé, qui ne connaissait ni précautions ni délais. Après une semaine d’orages, la résolution de rompre fut prise, un matin, et formulée en termes d’une énergie accablante. Alfred écrivit une lettre désespérée, dans laquelle il avouait sa faute et ses torts. On lui répondit par la demande de restitution d’une correspondance composée de dix ou douze lettres tout au plus. Il les enveloppa dans un lambeau d’étoffe avec une mèche de cheveux, quelques objets destinés à devenir des souvenirs et une fleur qui n’avait eu qu’à peine le temps de se faner. Ce fragile et cher trésor pouvait tenir dans une seule main. Il le renvoya en pleurant, et se retrouva seul en face de lui-même. C’était une véritable amputation. Lorsqu’il songeait à la patience ordinaire des femmes en pareille circonstance, à leur faiblesse, aux ménagements qu’elles savent si bien prendre, Alfred se demandait par quelle fatalité il avait rencontré la seule personne au monde qui fût capable d’un procédé si dur et si cruel.

Du moins, sa muse n’attendit pas six mois, comme la première fois, pour venir le consoler. La publicité