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représenter dans les héros de leurs créations, parce que ce procédé était le seul qui leur permît de faire palpiter le cœur du poète sous l’enveloppe du personnage. En cela, l’un n’a point imité l’autre ; ils se sont rencontrés sur un terrain où Dante, Shakspeare, Molière, La Fontaine et bien d’autres avaient déjà passé.

Est-ce la peine de dire à présent que si Alfred de Musset a étudié Mathurin Régnier, aussi bien que La Fontaine, c’était pour se pénétrer du génie de notre langue, et pour prendre ses précautions contre les éléments anglais et germanique qui débordaient dans la littérature nouvelle ? S’il eût sérieusement imité Régnier, il lui aurait fait trop d’honneur. Ce qu’il estimait dans le vieux poète satirique, c’était la franchise, et il avait de bonnes raisons pour tenir grand compte de cette qualité gauloise, car il la possédait lui-même et lui devait, en grande partie, sa force et son autorité.

Un autre reproche curieux à rappeler aujourd’hui, et sur lequel s’accordaient plusieurs critiques, était celui-ci : « Le poète de Namouna, disait-on, n’a-t-il de conviction sur rien ? Quel homme est-il ? Quels sont les objets de son culte ? D’où vient-il ? Où veut-il aller ? Dans un temps sérieux comme le nôtre, fait-il de l’art pour son amusement ? Le moment est mal choisi pour prendre ces airs dégagés en parlant de tout ce qui agite et inquiète l’humanité. S’il croit à