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Je ne m’effrayai pas trop de cette résolution en pensant à la longueur du délai. Il n’y avait point encore péril en la demeure. Alfred se mit à l’œuvre, et ce n’était pas du travail que je voulais le détourner. Le plan d’un poème lui fut inspiré par ce proverbe oriental dont il venait de faire une triste expérience : « Entre la coupe et les lèvres, il y a place pour un malheur. » Il croyait travailler par nécessité, et il prenait plaisir à répéter que la nécessité est une muse à laquelle le courage donne sa poésie. Soutenu par l’idée que cet essai serait le dernier, il se sentait une entière liberté d’esprit, et, lorsqu’il était content de sa journée, il disait en se frottant les mains : « Je ne suis pas encore soldat. »

Sans autre renseignement sur le Tyrol que l’article du vieux Dictionnaire géographique de la Martinière, il ne craignit pas de mettre la scène de la Coupe et les Lèvres dans ce pays qu’il ne connaissait point, et il prouva ainsi que « le poète porte en lui les éléments de tout ». Ce poème dramatique, contenant plus de seize cents vers, fut achevé dans le courant de l’été. L’auteur en fit une lecture chez son ami Alfred Tattet. Pendant l’automne, il écrivit la comédie À quoi rêvent les jeunes filles. Deux sœurs, pleines d’esprit et de grâce, qu’il avait connues au Mans et qu’il appelait ses premières danseuses, lui servirent de modèles pour les deux charmantes figures de Ninette et Ninon.

C’est moi qui fus chargé de proposer à l’éditeur