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public même s’émouvait. Alfred de Musset prenait part à tout ce fracas. D’autres occasions de plaisirs moins bruyants venaient aussi au-devant de lui. L’imprévu, pour lequel il avait un culte un peu païen, lui réservait des faveurs particulières. Souvent, dans l’embarras du choix, il négligeait les plaisirs offerts pour d’autres qu’il fallait chercher ou pour une simple partie de cartes avec son voisin le marquis de Belmont, pour une visite, un cigare, une conversation, ou même pour rien. Il trouvait une douceur extrême à rester à la maison, en songeant qu’il dépendait de lui d’aller se divertir ailleurs. Son cabinet lui semblait un lieu de délices ; nous y causions jusqu’à trois heures du matin ; ou bien une gravure, achetée sur les quais et qu’il fallait encadrer, devenait une affaire d’État. Ces jours-là, notre intérieur s’animait et nos repas de famille étaient les plus gais du monde.

Parmi les combinaisons du hasard que le poète aimait à observer avec une religieuse curiosité, il s’en trouve une qui mérite d’être rapportée. Madame la duchesse de Castries, désirant lire les Contes d’Espagne, chargea sa demoiselle de compagnie, qui était Anglaise, de lui acheter ce volume. Miss *** connaissait peu les usages ; elle n’imagina rien de mieux que d’écrire à l’auteur le billet suivant : « Monsieur, une jeune Anglaise, qui a le désir de lire vos poésies, s’adresse directement à vous pour les avoir. Si vous