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vraient la voix des acteurs, et le parterre s’acharnait après les plus jolis mots du dialogue, comme s’il fût venu avec l’intention bien arrêtée de ne rien entendre. L’auteur, étonné de ce tumulte, ne pouvait croire que la pièce ne dût pas se relever pendant la grande scène entre le prince d’Eisenach et Laurette. Mademoiselle Béranger, vêtue d’une fort belle robe de satin blanc, était éblouissante de fraîcheur et de jeunesse. Enfin les rieurs se calment un instant. Par malheur, l’actrice, en regardant du haut du balcon si le jaloux Razetta est encore à son poste, s’appuie sur un treillage vert dont la peinture n’avait pas eu le temps de sécher ; elle se retourne vers le public toute bariolée de carreaux verdâtres, depuis la ceinture jusqu’aux pieds. Cette fois, l’auteur découragé s’inclina devant la volonté du hasard. La scène du prince et de Laurette fut étouffée sous le vacarme de la salle. Tout ce charmant esprit par lequel la jeune Vénitienne se laisse séduire, passa inaperçu. Il y a dans cette scène un mot tiré d’une lettre de Lovelace à Belford ; j’attendais les tapageurs à ce passage ; ils n’étaient pas à cela près : le mot de Richardson fut hué comme le reste. Harel, persuadé que tout ce bruit devait être le résultat d’un coup monté, insista pour une seconde épreuve. On ôta le fatal treillage ; mademoiselle Béranger mit une robe neuve et l’auteur pria M. Lockroy d’ajouter ces mots après la citation de Richardson : « Comme dit Lovelace. » — Peine inutile : à