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loue le jeune poète de n’avoir point abusé de l’hyperbole. Un journal de l’opposition demande avec un sérieux admirable d’où vient la prédilection de la nouvelle génération pour l’Espagne et l’Italie, ces contrées où il n’existe point de liberté et où la religion est déshonorée par les pratiques superstitieuses. Pendant ce temps-là, un critique pieux et royaliste vote des indulgences à la muse libertine en faveur du second chant de Portia, où il a remarqué une peinture édifiante du sentiment de crainte que fait naître l’aspect sombre et majestueux d’une église gothique.

Quant à la fameuse ballade à la lune, elle devint tout d’abord le sujet d’une grande clameur. Les uns, voulant à toute force la prendre au sérieux, s’en tenaient à cet échantillon pour se dispenser de lire le reste du volume. D’autres, renchérissant sur l’intention du poète, voulaient qu’il se fût moqué de ses amis et de lui-même. Il faut avouer qu’en cette occasion les connaisseurs de profession et les hommes d’un âge respectable ne furent pas les juges les plus intelligents. Mais, tandis qu’ils discutaient, avec plus ou moins de bonne foi, sur le véritable sens de la ballade à la lune, le poète avait conquis le public auquel il désirait plaire, celui des jeunes gens et des femmes.

Bientôt Alfred eut à me raconter quantité d’aventures. Il y en avait de boccaciennes et de romanesques,