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son ménage par derrière, pour le faire entrer dans le creux d’un arbre. Des phalanges de friquets arrivaient des champs en dansant en l’air comme des bouffées de fumée, et se précipitaient sur un arbrisseau qu’elles couvraient tout entier ; des pinsons, des fauvettes, des rouges-gorges, se groupaient légèrement sur des branches découpées, comme des cristaux sur une girandole. De toute part résonnaient des voix qui disaient bien distinctement : — Allons, ma femme ! — Allons, ma fille ! — Venez, ma belle ! — Par ici, ma mie ! — Me voilà, mon cher ! — Bonsoir, ma maîtresse ! — Adieu, mes amis ! — Dormez bien, mes enfants !

Quelle position pour un célibataire que de coucher dans une pareille auberge ! J’eus la tentation de me joindre à quelques oiseaux de ma taille, et de leur demander l’hospitalité. — La nuit, pensais-je, tous les oiseaux sont gris ; et, d’ailleurs, est-ce faire tort aux gens que de dormir poliment près d’eux ?

Je me dirigeai d’abord vers un fossé où se rassemblaient des étourneaux. Ils faisaient leur toilette de nuit avec un soin tout particulier, et je remarquai que la plupart d’entre eux avaient les ailes dorées et les pattes vernies : c’étaient les dandies de la forêt. Ils étaient assez bons enfants, et ne m’honorèrent d’aucune attention. Mais leurs propos étaient si creux, ils se racontaient avec tant de fatuité leurs tracasseries et leurs bonnes fortunes, ils se frottaient si lourdement l’un à l’autre, qu’il me fut impossible d’y tenir.