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vait la marquise qui écrivait, d’abord de tout son cœur, avec passion, puis qui réfléchissait, s’arrêtait et passait sa main sur son petit nez, fin comme l’ambre. Elle s’impatientait : un témoin la gênait. Enfin elle se décida et fit une rature ; il fallait avouer que ce n’était plus qu’un brouillon.

En face du chevalier, de l’autre côté de la table, brillait un beau miroir de Venise. Le très timide messager osait à peine lever les yeux. Il lui fut cependant difficile de ne pas voir dans ce miroir, par-dessus la tête de la marquise, le visage inquiet et charmant de la nouvelle dame du palais.

— Comme elle est jolie ! pensait-il. C’est malheureux que je sois amoureux d’une autre ; mais Athénaïs est plus belle, et d’ailleurs ce serait, de ma part, une si affreuse déloyauté !…

— De quoi parlez-vous ? dit la marquise. (Le chevalier, selon sa coutume, avait pensé tout haut sans le savoir.) Qu’est-ce que vous dites ?

— Moi, madame ? j’attends.

— Voilà qui est fait, répondit la marquise, prenant une autre feuille de papier ; mais, au petit mouvement qu’elle venait de faire pour se retourner, le peignoir avait glissé sur son épaule.

La mode est une chose étrange. Nos grand’mères trouvaient tout simple d’aller à la cour avec d’immenses robes qui laissaient leur gorge presque découverte, et l’on ne voyait à cela nulle indécence ; mais elles ca-